BREXIT : Impact du résultat des élections parlementaires de décembre 2019 au Royaume-Uni sur les exportations horticoles des pays ACP vers le Royaume-Uni
- 15/01/2020
- Posted by: Gaetan Dermien
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Après une période d’incertitude, plus de clarté a été apportée concernant le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE). Avec une majorité de 80 sièges à la Chambre des communes, le Premier ministre Johnson dispose désormais d’une confortable majorité en vue d’adopter l’accord de retrait révisé UE27/Royaume-Uni par le Parlement britannique, ce processus étant à ce stade bien engagé.
Le Royaume-Uni est donc en bonne voie pour quitter l’UE le 31 janvier 2020. Néanmoins, les dispositions de l’accord révisé de retrait signifient que le Royaume-Uni continuera à faire partie de l’union douanière et du marché unique de l’UE au moins jusqu’au 1er janvier 2021. Durant cette période, les accords et arrangements commerciaux existants continueront à régir les exportations ACP de fruits, légumes et fleurs coupées vers le Royaume-Uni, tant ceux directement exportés vers le Royaume-Uni que ceux exportés via des chaînes d’approvisionnement triangulaires. Cela signifie qu’il n’y aura aucun changement des conditions d’accès des exportations ACP vers le Royaume-Uni jusqu’au 1er janvier 2021.
Pour les exportateurs d’un certain nombre de pays ACP, notamment le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Kenya, des incertitudes importantes subsistent quant aux modalités et conditions d’accès au marché britannique après le 1er janvier 2021. Cela concerne l’interprétation de la date de début du mécanisme de protection transitoire (MPT) que le Royaume-Uni a proposé (en octobre 2019) de mettre en place pour ces pays, et qui, une fois mis en œuvre, doit durer 18 mois sans possibilité de prolongation.
La date de début de cette période de transition de 18 mois sera-t-elle considérée comme ayant commencé à la date de notification aux gouvernements ACP de la MPT prévue (c’est-à-dire à partir d’octobre 2019), ou la période de 18 mois sera-t-elle considérée comme ayant commencé à la date à laquelle le Royaume-Uni quittera officiellement l’union douanière et le marché unique de l’UE (actuellement prévue pour le 1er janvier 2021) ?
Selon l’interprétation, cela pourrait avoir des conséquences sur les négociations des contrats commerciaux au cours du deuxième semestre de 2020 pour la livraison de produits en 2021. La conclusion d’un accord commercial bilatéral à long terme avec le Royaume-Uni sera essentielle afin de garantir aux exportateurs du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, du Ghana et du Kenya un accès de long terme au marché britannique, et ce, exempt de taxes et quotas. Les gouvernements de ces pays doivent faire de cette question une priorité.
La suite donnée aux événements après le 1er janvier 2021 est encore incertaine. Si l’UE est disposée à autoriser une prolongation de la période de transition prévue dans l’accord de retrait pour une nouvelle période de deux ans (c’est-à-dire jusqu’au 1er janvier 2023), le gouvernement britannique est fermement résolu à négocier une zone de libre-échange globale avec l’UE à compter du 1er janvier 2021. Cela permettrait au Royaume-Uni de quitter l’union douanière et le marché unique de l’UE sans aucune perturbation des échanges.
Cependant, l’UE est très sceptique quant à la perspective de conclure des négociations commerciales aussi complètes dans le délai imparti. Tandis que le Royaume-Uni quittera l’UE le 31 janvier 2020, la Commission européenne (CE) ne présentera un mandat pour la conduite des négociations que le 1er février 2020, le Conseil de l’UE devant approuver le mandat – au mieux – d’ici le 28 février 2020.
Les négociations commerciales avec le Royaume-Uni commenceront alors – au mieux – au début du mois de mars 2020. Dans ce contexte, la CE estime qu’au cours de cette période limitée, il ne sera possible de négocier qu’un accord de zone de libre-échange «alléger» entre l’UE et le Royaume-Uni. L’étendue de l’accord dépendant fortement de la volonté du Royaume-Uni de rester aligné sur les normes et réglementations de l’UE.
Il est difficile de savoir si cet accord de libre-échange UE27/Royaume-Uni «alléger» couvrira les choix politiques, l’administration commerciale et les dispositions logistiques nécessaires au bon fonctionnement des chaînes d’approvisionnement triangulaires ACP. Il est à espérer que le mandat de négociation inclura un engagement explicite dans le mandat de négociation proposé par la CE pour traiter les questions politiques, administratives et logistiques susceptibles de se poser le long des chaînes d’approvisionnement triangulaires (c’est-à-dire touchant principalement les fruits, les légumes et les fleurs coupées à courte durée de conservation). Si un tel engagement explicite n’est pas inclus dans le mandat de négociation de la CE, les négociateurs risquent de perdre de vue ces préoccupations spécifiques des ACP dans le cadre de préoccupations plus larges et plus urgentes que la CE doit traiter dans l’intérêt des producteurs et négociants de l’UE.
Notez que la CE a fixé la date limite du 1er juillet 2020 pour toute notification officielle du Royaume-Uni concernant son désir de prolonger la période de transition de deux ans supplémentaires pendant que les négociations commerciales sont en cours. Le nouveau gouvernement conservateur du Royaume-Uni cherche toutefois à légiférer pour empêcher toute nouvelle prolongation de la période de transition.
Une question cruciale pour les exportations de fruits, légumes et fleurs coupées des pays ACP vers le marché britannique, qu’elles soient exportées directement ou via les pays de l’UE27 (c’est-à-dire les chaînes d’approvisionnement triangulaires), sera celle des tarifs de la nation la plus favorisée (NPF) qui seront appliqués par le Royaume-Uni une fois qu’il aura officiellement quitté l’union douanière et le marché unique de l’UE et qu’il pourra appliquer sa propre grille tarifaire NPF.
Bien que le Royaume-Uni ne pourra pas appliquer cette grille tarifaire avant le 1er janvier 2021, au plus tôt, des discussions approfondies ont déjà eu lieu sur ce qu’elle devrait après le Brexit. De fortes pressions sont actuellement exercées pour que le Royaume-Uni poursuive une «approche de production nationale zéro – tarif NPF zéro».
En mars 2019, le Royaume-Uni a publié la première édition de sa proposition de grille tarifaire NPF temporaire post-Brexit, suivie d’une révision en octobre 2019. Dans les secteurs des fruits et légumes, à l’exception des bananes et des haricots frais, cette grille temporaire (d’octobre 2019) comprenait :
- la fixation à zéro de tous les tarifs NPF du Royaume-Uni sur les fleurs coupées et les produits à base de fruits et légumes ;
- l’abandon de toutes les exigences de l’UE en matière de prix minimum à l’importation et des prélèvements supplémentaires associés, imposés aux importations UE de fruits et légumes.
Cela soulève une importante question pour tous les exportateurs horticoles ACP desservant le marché britannique : quel sera l’impact sur la position concurrentielle des fruits, légumes et fleurs coupées ACP exportés, résultant de la suppression des droits NPF actuels de l’UE et des exigences de prix minimum à l’importation sur les importations en provenance de tous les pays tiers?
Il s’agit d’une question que chaque exportateur horticole ACP devra aborder individuellement, sur la base des composantes actuelles, du marché britannique, desservies et du fonctionnement de leurs chaînes d’approvisionnement spécifiques.
Ceci n’est qu’un aperçu de la proposition temporaire de grille tarifaire NPF du Royaume-Uni. L’examen par le gouvernement britannique de son barème tarifaire NPF à long terme au cours du premier semestre de 2020 impliquera :
- une consultation publique sur la structure du futur barème tarifaire NPF à long terme (début 2020) ;
- un processus de consultations parlementaires sur le projet de barème tarifaire NPF du gouvernement britannique ;
- l’achèvement de l’examen des tarifs NPF d’ici la mi-2020 afin que les partenaires commerciaux du Royaume-Uni puissent prendre connaissance des tarifs NPF applicables une fois le Royaume-Uni sorti de l’union douanière de l’UE.
Le point de départ de ce processus d’examen est incertain. Sera-t-il basé sur le calendrier proposé en octobre 2019 ? Ou bien la base sera-t-elle constituée par les tarifs NPF appliqués, tels qu’ils figurent dans la liste des tarifs NPF de l’UE?
Encore une fois, c’est une question d’une importance capitale pour les exportateurs horticoles ACP. Si les tarifs NPF actuels de l’UE sont le point de départ, les gouvernements et les exportateurs ACP peuvent alors potentiellement engager le gouvernement britannique à s’occuper des tarifs et du régime de prix minimum à l’importation. Toutefois, si le point de départ de la révision est la proposition du Royaume-Uni datée d’octobre 2019, alors la marge d’engagement pourrait être limitée aux bananes et aux haricots frais, puisque dans tous les autres domaines, les droits NPF du Royaume-Uni auront déjà été fixés à zéro.